Crossfire de Miyake Miyuki
Quelle que soit l’histoire, fantastique ou policière, tout est vu alternativement par Junko & Chikako, les deux femmes fortes du roman : l’une en fait la démonstration par son pouvoir spectaculaire, l’autre par son patient travail de réflexion au sein de la police. Bien que tout les oppose, ces héroïnes se réapproprient l’espace du roman, au propre (on suit leur périple à travers Tokyo) comme au figuré (elles sont les sujets de cette création littéraire). Les hommes, eux, sont à leur désavantage (traîtrise, lâcheté, violence ou lourd passé handicapant) et ce sont les femmes qui en pâtissent toujours (viol, meurtre, harcèlement, contrainte, inégalités salariales ou solitude). Avec les portraits de Junko & Chikako, Crossfire redonne sa place à la femme dans la société japonaise. D’ailleurs, le contenu social passionne autant que les péripéties et le travail d’enquête : à cause de la mondialisation, la bulle économique s’est dégonflée et a entraîné le Japon dans une période de récession économique sans précédent. Cette crise financière s’est vue accompagnée d’une criminalité croissante, due aux restructurations de quartiers, aux fermetures d’usines, au chômage grandissant, à la désertification des lieux. Ces réactions en chaîne ont engendré une délinquance juvénile massive liée à un grand malaise identitaire (la communauté a éclaté avec la récession). La question de l’auto-justice, sur fond d’insécurité urbaine se pose alors au lecteur : le citoyen sera-t-il réduit à faire justice lui-même pour se protéger d’une société où le danger est partout et la police nulle part ?